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26. Tarapoto, gastronomie indigène

  • Photo du rédacteur: Le voyageur de l'extrême !
    Le voyageur de l'extrême !
  • 19 févr.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 oct.



Tarapoto, ville carrefour entre la jungle profonde et la modernité andine, est un miroir fracturé : on y voit ce que devient l’Amazonie quand elle commence à se "connecter" au monde. Mais à quel prix ? Pour qui ? Et vers quoi ? Tarapoto se développe, oui. Mais pas partout. Pas pour tous. Derrière les façades repeintes, il y a des visages oubliés. Des familles chassées des bords du fleuve. Des paysans devenus serveurs. Des enfants qui parlent moins que les écrans. Un progrès en translation. Ici, le "progrès" ne vient pas d’un seul coup. Il glisse, s’infiltre, déforme. Il ne remplace pas, il superpose.

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À Tarapoto, les motos sont reines. Elles remplissent l’air d’un bruit de ruche mécanique, comme si la modernité ici avançait en deux temps. Un moteur, un klaxon, un espoir. Le béton gagne, lentement. Autrefois sentier de boue, la route de Yurimaguas est aujourd’hui un ruban gris qui serpente jusqu’ici. Avec elle sont venus : les bus, les livraisons, le réseau mobile, le Wi-Fi par intermittence. Et les publicités. Toujours les publicités. Des promesses sur papier plastifié.

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Une maison de briques rouges à côté d’un abri en palmes. Un supermarché climatisé à côté d’un marché de jungle. Un hôtel 3 étoiles… sans eau potable dans le quartier voisin. Modernité comme costume mal taillé : il ne va bien à personne, mais on le met quand même. J’ai rencontré un ancien chaman reconverti en guide touristique. Il m’a montré les plantes avec précision. Mais ses yeux disaient autre chose. "Avant, je soignais. Maintenant, j’explique." Il vend des histoires en format court. En anglais. Avec le sourire. Mais à la fin de la journée, il s’assoit seul, face à la montagne, et il mâche encore les feuilles qu’il ne montre plus aux touristes.

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Progrès ou exil ? Certains sont contents. Ils peuvent envoyer de l’argent à leurs familles. Acheter un téléphone. Boire du soda froid. Mais parfois, je sens un flottement. Comme si tout ça avançait sans direction. Une ville entre deux mondes. Plus tout à fait forêt, pas encore cité. Un pont qui n’ose pas choisir de rive. Et moi, dans tout ça ? Je suis celui qui regarde. L’étranger en t-shirt technique. Celui qui peut repartir. Tarapoto avance. Mais à chaque mètre gagné, quelque chose se perd.

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Parfois je me demande : Et si ce "progrès" n’était qu’un autre mot pour dire : plus jamais comme avant ?

Et dans les yeux d’un enfant qui vend des insectes grillés au coin d’une avenue, je crois lire la question inverse : Et avant, c’était quoi ?







Alors que le progrès construit à coups de béton et de câbles, la cuisine, elle, résiste autrement : par la mémoire, les gestes, les goûts. À Tarapoto, entre les échoppes modernes et les sodas glacés, on trouve encore des marmites fumantes, des marchés où circulent les savoirs ancestraux, et parfois même des plats qu’on ne peut comprendre qu’en les goûtant.

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Goûter, c’est écouter. Je ne comprenais pas tous les mots. Mais je comprenais les gestes. Des feuilles frottées, pliées, chauffées. Des racines grattées à la pierre. Des sauces épaisses, pas tout à fait liquides, pas tout à fait solides. Des bruits de cuisson, presque vivants. Elle m’a regardé. Elle a dit : “Yuca, pescado, ají. Receta de los abuelos. Si no te pica, no es comida.” J’ai souri. J’ai goûté. C’était simple. Mais derrière chaque ingrédient, une histoire dormait.

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Des plats comme des territoires. Chaque mets a son paysage. Le inchicapi, soupe dense à base de cacahuètes, de maïs, de coriandre amazonienne. Le juane, riz parfumé, enveloppé dans une feuille de bijao, cuit à la vapeur des légendes. Le patarashca, poisson grillé dans des feuilles, ouvert comme un livre d’herbes. Et surtout : le silence entre deux bouchées, quand le corps reconnaît un goût qu’il n’a jamais appris, mais qu’il comprend quand même.

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Une femme m’a dit : “Ce qu’on mange nous parle de ce qu’on était, pas seulement de ce qu’on est.” Elle s’appelait Doña Alba. Descendante d’un peuple Kichwa. Elle faisait tout à la main. Pas pour le folklore. Parce que c’était la seule manière juste. Ses plats n’étaient pas "exotiques", ni “authentiques”. Ils étaient vrais. Et profondément liés au sol d’où venaient les ingrédients.

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Leur gastronomie n’est pas écrite dans les livres. Elle se transmet à la main, au goût, à l’oreille. Un savoir invisible, mais savoureux.






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