15. l'anaconda, maître des lieux
- Le voyageur de l'extrême !

- 2 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 oct.
L’anaconda, maître des lieux. Inutile de vous expliquer que le roi des animaux en Amazonie n'est pas le lion. C’est dans un virage du fleuve que le silence a changé de texture. Un silence plus lourd, plus profond. Comme si même les singes avaient décidé de se taire.

La bête, Le guide a ralenti la pirogue, les yeux fuyants. "Ici, on ne pêche pas. On ne se baigne pas." Je n’ai rien dit. J’ai seulement regardé les rives, hautes, grasses, effondrées par endroits. L’eau était noire, épaisse, immobile. Pas une ride. Puis il a ajouté : "C’est le domaine du maître." Je croyais à une blague. Une manière d’intimider le gringo.Mais il ne plaisantait pas. Et la forêt, autour, semblait le confirmer. Le soir, dans un abri de fortune, alors que la pluie cinglait les feuilles, Le guide m’a parlé d’un serpent long comme une barque, large comme un homme. D’un corps qui glisse sans bruit, d’un regard sans paupière. On le croise rarement. Et quand on le voit, on ne l’oublie plus. Il incarne à la fois la peur primaire, le mythe vivant, et une forme d’autorité naturelle.

L’Anaconda, ce fantôme de la forêt, Il ne fait pas de bruit. Il ne laisse pas de trace. Il est là depuis toujours. Et presque personne ne le voit. Mais tous savent qu’il est là.
Le fleuve lui appartient. Il est le roi sans couronne. Le maître silencieux des eaux stagnantes, des rivières lentes, des lagunes oubliées. Un pêcheur m’a dit : “Tu peux traverser cent fois sans le croiser. Et la cent-unième, il te regarde sans que tu t’en rendes compte.”
Le temps se fige. C’est un instant hors du monde. Lent, suspendu, animal. Tu sens ton corps devenir lourd, comme si la peur n’était pas une émotion, mais un poids dans la colonne vertébrale. Et pourtant… on n'est pas en danger. Nous le sentons. Il nous regarde. Pas comme une proie. Comme des passants.
Le fantôme s’est fondu dans l’eau. Il a disparu sans un bruit.
Pas de sillage. Pas de vague. Juste le silence revenu, plus profond qu’avant. Les Tikunas disent que l’Anaconda est un esprit. Pas un simple animal. Mais une mémoire. Une incarnation du fleuve lui-même. Ils l’appellent parfois “Yacumama” – la Mère des Eaux. On ne le chasse pas. On ne le provoque pas. On le respecte, comme on respecte la foudre, ou la mort.
Depuis ce jour, je ne nage plus. Pas par peur. Par humilité. Je sais qu’il est là. Quelque part. Pas loin. Toujours. L’Anaconda est un mythe… qui respire. Un fantôme… qui te regarde. Une force… qui ne veut ni être aimée, ni crainte. Juste laissée tranquille.
Et si un jour tu le vois, garde le silence. Il n’y aura pas de second regard.
D’un esprit ancien, que certains appellent Boiúna, le grand serpent des eaux, celui qui vivait déjà là avant les arbres, avant les rivières. "Quand l’eau se retire, il dort. Quand elle monte, il chasse." Je n’ai pas dormi cette nuit-là. Le lendemain, en remontant un bras mort du fleuve, la jungle semblait se resserrer autour de nous. Puis leguide s’est figé. Là, dans la boue, les traces. Un sillon large, profond, récent.
Comme si quelque chose d’énorme avait rampé hors de l’eau, lentement, inévitablement.

Ceci est la rencontre initiale
Vous comprendrez que nous avons observé plusieurs spécimens à des endroits différents.
Pas de griffes. Pas de pattes. Seulement cette marque, sinueuse, obsédante. "Il est passé cette nuit." Il a voulu rebrousser chemin. Mais moi, j’ai suivi la trace. Il m'a finalement accompagné voyant mon inconscience ou mon insouciance. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que j’étais prêt à le voir. Ou que lui voulait être vu. Et nous l'avons vu.

Pas un monstre. Pas une bête. Un mouvement dans l’eau. Un souffle. Un œil. Immobile. Immense. Puis une courbe noire, comme une racine vivante, lentement engloutie par le fleuve. Pas de cri. Pas de fuite. Juste un échange. Un regard. Une évidence : Ce n’était pas moi qui observais. C’était lui. Nous sommes revenu changé.

Le guide m’a regardé, a vu mes yeux, et a hoché la tête. "Tu l’as vu. Et tu es revenu. Il t’a laissé." Il m’a tendu une poignée de feuilles amères. "Pour la peur." mais je n'en avais pas besoin, trop d'adrénaline et d'étonnement. Plus tard, dans un village, un vieux chaman m’a dit : "Le maître des lieux n’a pas besoin de te tuer. Il veut que tu saches que tu n’es qu’un visiteur." Depuis, parfois, quand je ferme les yeux, je sens encore sa présence. Silencieuse. Infinie. L’anaconda ne se montre pas à ceux qui cherchent. Il choisit. Et moi, j’ai été choisi pour avoir peur.







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