top of page

23. insectes au menu

  • Photo du rédacteur: Le voyageur de l'extrême !
    Le voyageur de l'extrême !
  • 22 févr.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 oct.



"Insectes de la forêt au menu". Nul besoin d'en dire d'avantage. À la fois anthropologique, sensorielle et initiatique. C’est un moment de dépassement de soi pour le voyageur occidental, mais c’est aussi l’occasion d’un regard respectueux sur les traditions culinaires indigènes où ce qui dégoûte ailleurs nourrit ici, avec intelligence, efficacité, et ancrage dans le territoire. Vous y trouverez peut-être un humour discret, mais surtout une curiosité lucide, où chaque bouchée devient une leçon.

ree







Trouver à manger lorsque le poisson ne mord pas et que les mammifères sont inexistants devient une science silencieuse, transmise par le geste, l’œil, l’expérience. Ce n’est pas une chasse brutale. C’est une activité presque rituelle : lente, attentive, respectueuse. Voici donc comment on découvre que trouver un insecte peut demander plus d’intelligence que traquer un gros gibier. Et il faut faire gaffe ou l'on pose les pieds. On te touche pas un arbre sans regarder non plus. Ici plusieurs variétés de fourmis et ils mordent tous....à différent degré.

ree







Nous étions campé près d'une petite famille installé sur les rives de la rivière. Le chef de famille nous invita à une chasse particulière. Ou plutôt une cueillette d'insectes, vécue aux côtés des enfants, permettant de plonger dans l’intimité du savoir local. Je les ai suivis, maladroitement. Essayant d'apprendre comment ils font pour savoir ou se trouve les p'tites bêtes.

ree







Premier arrêt : le tronc mort. L’aîné tapote doucement du bâton. Une écoute. Une attente. Puis il gratte l’écorce. L’arrache. En dessous, un grouillement. Des larves grasses, blanches, ondulantes. Il en prend une entre deux doigts. Me la tend. Elle se tortille doucement. "Ça, c’est bon. Graisse. Pour les anciens." Il la dépose dans le panier. Pas de mépris. Pas de peur. Juste un savoir.

ree







Deuxième arrêt : la termitière. Pas pour manger les termites. Mais pour chercher leurs prédateurs. Un petit scorpion dort à l’ombre d’un caillou. On le laisse. Mais plus loin, une fourmi géante sort d’un trou. Elle est suivie d’autres. Les enfants les ramassent une à une avec des feuilles. Ils rient. Ça pique, mais ça fait partie du jeu. "Si elle te mord, tu rêves fort." Je ne comprends pas. Mais je retiens.

ree







Troisième arrêt : sous une feuille de bananier. Le plus jeune soulève la feuille. Dessous, un cocon beige, presque invisible. Il le détache avec soin, le pose dans la paume de sa main. "Dans trois jours, ce sera prêt." Je demande : "Qu’est-ce qu’il y aura dedans ?" Il hausse les épaules : "On verra. Peut-être bon."

ree







La chasse est une observation. Rien n’est rapide. Rien n’est gaspillé. Chaque tronc, chaque pierre, chaque branche morte devient une promesse. Les enfants ont des yeux de pisteurs, des mains de botanistes, et le calme des initiés. Moi, je transpire. Je glisse. Je fais fuir plus d’insectes que je n’en vois. Mais j’apprends. Au bout de deux heures, leur panier est rempli : des larves de palmier, des fourmis citronnées, deux coléoptères dorés, un cocon mystérieux, et une poignée de sauterelles aux longues pattes fines. On rentre. Le soleil tape. Le silence revient.

ree







Leçon du jour. Ici, on ne tue pas pour tuer. On cueille. Avec patience. Avec reconnaissance. Le chef de famille dira plus tard : "Si tu prends sans remercier, la forêt te fera payer." Je n’ai rien dit. Mais ce soir-là, en croquant dans une larve tiède, j’ai pensé à ces enfants et je les ai remerciés, en silence. Je n’ai pas posé de questions. La faim est un grand maître. Et la forêt ne s’excuse pas de ce qu’elle offre.


Elle viennent frites ou rôtis !







Ils étaient là, grillés, brillants, disposés sur une feuille de bananier comme un trésor d’écailles. Des insectes. Gros. Croustillants. Encore tièdes. On m’a dit, sans un mot : "Mange." Pas une invitation. Un partage. Goûter le vivant.

ree







Le premier, un gros scarabée noir. Carapace croquante, goût de noisette rôtie, un fond de bois fumé. Étonnamment bon. Le second, une larve blanche, dodue. Fond dans la bouche. Douceur grasse. Beurre sauvage. Le genre de texture qu’on redoute… avant d’en redemander. Puis, les fourmis rouges : légèrement piquantes, citronnées, comme un zeste acide sur une viande de gibier. Le feu les avait calmées. Mais leur mémoire restait en bouche.

ree

Au-delà du goût : la leçon. J’ai mangé. Par politesse d’abord. Par faim ensuite. Et puis… par respect.







Ici, rien ne se gaspille. Rien n’est "bas" ou "sale". Tout ce qui vit peut nourrir. Mon guide m'a dit : "Tu crois que c’est bizarre, mais c’est peut-être toi qui es bizarre. Chez nous, les enfants savent déjà chasser les insectes. Et toi, tu n’avais jamais mangé un vrai animal entier." Il avait raison. Je n’avais jamais mangé quelque chose que je voyais encore comme un être. Un œil. Des pattes. Une forme reconnaissable. La viande, chez moi, arrive sans visage. Sous plastique. Sous silence. Ici, on mange ce que l’on connaît, Ce que l’on a vu, cueilli, tué. Et l’on remercie.

ree







Ce que j’ai appris dans cette bouchée. Que le goût, ce n’est pas une culture, c’est une frontière mentale. Que le "dégueu", c’est souvent une histoire qu’on nous a racontée enfant. Et que la forêt, elle, se fiche de nos tabous. Ce soir-là, je me suis senti un peu moins touriste. Un peu plus vivant, à hauteur de sol, dans le cycle réel des choses. Pas seulement témoin. Participant.

ree






22... retour en arrière ou la suite dans ...24

 
 
 

Commentaires


bottom of page