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11. gastronomie reptilienne

  • Photo du rédacteur: Le voyageur de l'extrême !
    Le voyageur de l'extrême !
  • 5 mars
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 oct.



Il ne faut pas s'attendre à trouver des frites en pleine jungle ! En cette fin de journée, j’ai suivi les chasseurs. Pas pour filmer. Pas pour documenter. Juste pour comprendre. Ici, on voit avec les oreilles." J’ai souri. Il ne plaisantait pas. On reste silencieux les chasseurs sont aux aguets. Nous avons quitté le village à bord d’une pirogue en bois, moteur coupé, glissant dans un silence presque mystique. L’eau noire reflétait les étoiles comme un miroir brisé. Sur les rives, la jungle était une muraille de ténèbres. À l’avant de l’embarcation, un des jeunes du village, tenait une longue perche au bout de laquelle brillait la pointe métallique d’une harponne. L'autre, guidait la barque d’un pied, l’autre en équilibre, les yeux scrutant la rive.


"Nous cherchons les yeux," m’a-t-il dit doucement. "Les yeux du caïman brillent comme deux braises dans l’eau noire."

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Et soudain, je les ai vus. Deux petits yeux, immobiles à l'autre bout du museau. Le guide a fait signe. Le silence s’est épaissi. La pirogue a glissé plus près, très lentement. J’ai retenu ma respiration. Le jeune s’est redressé. Un éclair. Un cri d’eau éclaboussée. Puis plus rien. Le harpon avait transpercé le jeune caïman à l’arrière du crâne. Le reptile s’était débattu quelques secondes à peine, puis s’était figé, vaincu. Je m’attendais à un moment de célébration. Il n’y en eut pas. Juste un hochement de tête. Un respect silencieux. L’animal a été posé dans la pirogue avec l'autre. "On ne prend que ce qui est nécessaire," dit le guide. Prendre plus, c’est offenser la rivière.

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Sur le chemin du retour, j’ai repensé à ce que je venais de voir. La précision. La patience. L’instinct. Pas de pièges, pas d’armes à feu. Juste une danse ancienne entre homme et prédateur. Et cette question obsédante : qui chasse qui, vraiment, dans cette forêt ? C’est étrange de l’écrire noir sur blanc. Avant de partir, l’idée même m’aurait paru barbare. Mais ici, au cœur de l’Amazonie, la perception de la nourriture change. Il ne s’agit plus de choisir entre bœuf ou poulet, mais entre vivre avec la forêt ou mourir contre elle.

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Nous partagerons un repas traditionnel. Le chef du village, un homme sec aux mains tannées par les ans, m’a présenté avec fierté un morceau de viande fumante, dorée à la flamme, enveloppée dans des feuilles de bananier encore fumantes. Il a dit : "Ipiá. Caïman. Mange, frère. Aujourd’hui, tu fais partie de la forêt." J’ai accepté. Pas par politesse, mais par respect. Et peut-être aussi par curiosité.

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La viande était ferme, presque fibreuse, avec une saveur entre le poisson d’eau douce et le poulet rôti, relevée par une sauce épaisse faite avec un espèce de piments rouges écrasés, de feuilles de jambu (qui laissent la langue légèrement engourdie), et de jus de cupuaçu. Ce n’était pas seulement un repas. C’était un rituel. Autour de moi, les enfants riaient, les anciens racontaient des histoires à demi-murmurées sur les esprits des rivières, et la forêt, comme toujours, respirait lourdement en arrière-plan.

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Un vieil homme m’a touché le bras et dit quelque chose dans sa langue. Mon guide, a traduit : "Maintenant que tu as goûté au caïman, tu ne peux plus fuir la jungle. Elle vit en toi." Je ne sais pas s’il plaisantait ou non. Mais ce soir, sous la moustiquaire trouée de mon hamac, j’entends les bruits de la nuit autrement. Comme si chaque craquement, chaque cri, chaque battement d’ailes faisait maintenant partie de moi.

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