01. Adirondack, terre des mohawks
- Le voyageur de l'extrême !

- 21 mars
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Dernière mise à jour : 17 oct.
Les Adirondacks sont un massif cristallin. Dans le nord-est de l'État de New York. Situés dans le prolongement des montagnes Appalaches, ils sont pourtant géologiquement constitués des mêmes roches que les monts Laurentides du Canada. Ils sont bordés à l'est par le lac Champlain et le lac George, qui les séparent des montagnes Vertes (Vermont). La limite sud est constituée par la vallée de la Mohawk. Au-delà de la rivière Noire, on trouve à l'ouest le plateau de Tug Hill, et au nord le fleuve Saint-Laurent.
Adirondack, terre des Mohawks. Arrivée à Ticonderoga, aux portes du territoire Mohawk. Le vent souffle fort sur le lac Champlain, et les feuillages dorés des érables frémissent comme une mer de feu. Nous venons de passer la frontière du Québec, et déjà l’air change. Plus vaste. Plus brut. Ici, les Adirondacks s’élèvent comme une barrière vivante, gardienne des anciens récits.
La région était autrefois au cœur du territoire Mohawk (Kanien'kehá:ka), l’une des nations fondatrices de la Confédération iroquoise. Ce peuple vivait ici bien avant l’arrivée des colons européens, traversant les vallées boisées et les lacs en canot, vivant en harmonie avec une terre rude mais généreuse.
Randonnée dans les High Peakse et Lac Placide, entre silence et mémoire. Le sentier menant au mont Marcy serpente à travers une forêt ancienne. Le sol est couvert de mousse et de racines noueuses. Je pense aux pas de ceux qui ont marché ici bien avant moi, chasseurs, éclaireurs, conteurs. Sur un promontoire, je m’arrête. Vue imprenable. Loin, au sud, s’étendent les monts Catskills. Le silence est total. Et pourtant, j’entends presque les voix anciennes, celles que les arbres ont conservées dans leurs cernes.
Rencontre avec une gardienne de la mémoire. À Lake Placid, je rencontre une femme mohawk engagée dans la revitalisation de la langue et de la culture. Elle m'explique que, bien que la majorité des Mohawks vivent aujourd’hui à Kahnawàke ou Akwesasne, la mémoire de leur présence dans les Adirondacks est toujours vivante. Elle me montre un collier en perles wampum : « Chaque motif raconte une histoire. Les montagnes ont leurs propres wampums, invisibles, mais bien là. »
Ausable Chasm – La beauté sculptée par le temps. Il suffit d’un pas pour que le monde bascule. Le sentier serpente entre les pins, et soudain, la terre s’ouvre : devant moi, un gouffre majestueux, entaillé dans la roche comme une cicatrice millénaire. L’Ausable Chasm. Des parois de grès vieux de plus de 500 millions d’années s’élèvent, vertigineuses, encadrant une rivière turbulente qui bouillonne au fond de la gorge.
La rivière Ausable, sculptrice de merveilles. Depuis l’époque glaciaire, la rivière Ausable creuse lentement ce canyon, morceau par morceau, offrant aujourd’hui un spectacle de strates rouges, brunes et ocres, sculptées comme les pages ouvertes d’un ancien livre de géologie. Ici, le temps se lit à même la pierre. Par endroits, l’eau s’assagit, formant des bassins où dansent les reflets verts des arbres. Ailleurs, elle s’élance en rapides et en cascades, rugissant comme pour rappeler qu’elle est la seule maîtresse des lieux. Un monde entre ciel, eau et roche.
La végétation s’accroche aux falaises, courageuse : des fougères, des lichens, des bouleaux aux racines suspendues dans le vide. Des faucons planent au-dessus de la gorge, et, au détour d’un rocher, une famille de marmottes traverse le sentier. Le lieu dégage une énergie ancienne, presque sacrée. On comprend aisément pourquoi les peuples autochtones, notamment les Mohawks voyaient ces formations naturelles comme des lieux de puissance, de légende et de respect.
Canoë sur le lac Saranac. Le canoë glisse lentement sur les eaux noires du lac. Le ciel se reflète comme un miroir brisé. Je pense aux routes d’eau qu’utilisaient les Mohawks pour voyager, commercer, transmettre. Ici, la nature n’est pas seulement décor. Elle est récit, personnage, mémoire vivante.
Je quitte les Adirondacks avec l’impression d’avoir effleuré quelque chose de plus vaste que moi. Ce voyage m’a ouvert les yeux sur une autre lecture du territoire, non pas celle des cartes ou des routes, mais celle des histoires, des présences invisibles, des cicatrices.
Mémoire autochtone et territoire Les Adirondacks ne sont pas une terre « sauvage » découverte par les colons. Ce sont des territoires occupés, traversés, racontés, vécus par des peuples autochtones depuis des millénaires. Le peuple mohawk y a laissé son empreinte dans les noms de lieux, dans les forêts, dans les lacs, et surtout dans les récits.
Lake George, Mythique et légendaire. Plusieurs le connaissent pour son village, ses musées, ses attractions autour. Mais connaissez-vous sont histoire ? On l’appelle parfois le « lac sacré des Iroquois », parfois le « lac du Saint Sacrement », nom que lui donna le colonisateur français Isaac Jogues en 1646. Mais avant tous les noms européens, Lake George portait un autre nom, plus ancien, plus profond :
Andia-ta-roc-te – « Là où le lac se ferme », dans la langue mohawk.
Dès l’aube, quand la brume flotte au-dessus de l’eau comme une respiration de la terre, Lake George ressemble à un monde oublié. Un miroir d’argent, long de 51 km, bordé de montagnes silencieuses. Des îles flottent comme des secrets gardés depuis des millénaires, plus de 170 îles, chacune avec ses propres légendes. Un carrefour de peuples et de batailles. Bien avant que les Européens n’y croisent leurs épées, le lac était un carrefour stratégique pour les peuples autochtones. Les Mohawks y naviguaient en canot, reliant la vallée du Saint-Laurent au fleuve Hudson, transportant récits, marchandises et chants.
Plus tard, pendant les guerres franco-britanniques, Lake George devient le théâtre de batailles sanglantes, de forts assiégés et de traîtrises coloniales. Le Fort William Henry, au sud du lac, reste le témoin silencieux de ces conflits. C’est là qu’en 1757, après la reddition aux Français, plusieurs centaines de soldats britanniques furent massacrés par des alliés autochtones, dans une scène rendue célèbre par Le Dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper.
Un lieu habité par les esprits. Selon certaines légendes mohawks, le lac serait habité par des esprits de l’eau, gardiens des passages entre les mondes. Par temps calme, certains disent entendre des voix portées par le vent. D’autres affirment voir, dans les ondulations de la surface, des visages oubliés. Chaque lever de soleil sur le lac semble réactiver ces récits, comme si la lumière réveillait les mémoires enfouies dans les profondeurs.
Aujourd’hui : un mythe vivant. Aujourd’hui, Lake George est un lieu prisé par les campeurs, les kayakistes, les rêveurs. On y vient pour sa beauté, mais on repart souvent avec quelque chose de plus : un sentiment d’avoir touché, ne serait-ce qu’un instant, une autre dimension du réel.
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