16. Black River, attention au crocodile
- Le voyageur de l'extrême !

- 6 mars
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 oct.
Black River est la capitale de la paroisse Sainte-Élisabeth, dans le sud-ouest de la Jamaïque. Elle s'est développée comme un port autour de l'embouchure de la rivière du même nom. Aux XVIIIe jusqu'au début du XIXe siècles, c'était un port sucrier prospère avec un marché pour les esclaves africains. La prospérité croissante du commerce du sucre et du bois a conduit à la construction de plusieurs entrepôts. Certains ont été transformés en restaurants ou en bases pour des excursions écologiques sur le fleuve.

Black River, attention aux crocodiles et saveurs de crabes des marais. On continues à s'enfoncer dans la Jamaïque profonde, celle des marais mystérieux, des histoires de reptiles, et de la cuisine locale ancrée dans la tradition. Jamaïque, exploration humide et épicée dans le sud-ouest sauvage. Pendant les 5 mois ou je travaillais en Jamaïque, la Black River était mon refuge de fin de semaine. J'ai passé plusieurs week-end à remonter la rivière toujours plus loin.

L’autre face de l’île. Oublie les plages dorées et les cocktails. Ici, à Black River, l’eau est foncée comme le rhum, les rives sont tapissées de mangroves, et sous la surface, des yeux guettent... C’est l’un des coins les plus authentiques, sauvages et calmes de Jamaïque où la nature a encore le dessus, et où les crocodiles ne sont pas en cage.

La croisière... pas si tranquille. Je monte à bord de la chaloupe de mon ami Taga pour une visite guidée du Black River, long de plus de 50 km, l’un des fleuves les plus emblématiques de l’île. La rivière serpente entre les palétuviers géants, les nénuphars, et les rochers dissimulés. Mon ami, un rasta souriant, repère soudain quelque chose à tribord : “Yah mon... big boy there. Maybe 10 feet.”

Un crocodile américain, allongé sur une berge, nous regarde de son œil préhistorique, impassible. D'autres suivent. Certains glissent dans l’eau, à peine visibles. “On comprend vite qui est chez qui, ici. Et qu’on est tolérés.” Malgré la présence de ces reptiles, les gens du coin cohabitent avec eux, et les incidents sont très rares. Mais l’ambiance reste unique : calme, moite, et un peu surnaturelle.

Sister Lou’s River Stop. Aujourd’hui, j’ai découvert un petit trésor caché au bord de la Black River : Sister Lou’s Restaurant. Rien de tape-à-l'œil, juste une petite cabane posée au bord de l’eau, où le temps semble s’être arrêté. J’y suis venu pour une raison précise : goûter leur crabe farci que certains appellent le meilleur de toute la Jamaïque. Et franchement ? Je comprends pourquoi. Le crabe bleu, pêché du jour, est assaisonné avec une mixture de fines herbes, de piment doux, d’un soupçon de gingembre et cuit dans sa propre carapace. Le tout servi chaud, avec une Red Stripe bien fraîche.

“Ici, on ne mange pas juste pour se nourrir. On mange pour se rappeler où on vit.”
Pendant que je mangeais, les bateaux glissaient lentement sur la rivière. Un héron blanc est passé à quelques mètres. Pas de musique, juste le bruit de l’eau et le vent dans les arbres. C’était simple, et parfait. J’ai discuté un moment avec la cuisinière, Sister Lou elle-même que Taga m'a présenté. Elle m’a parlé de ses recettes transmises depuis sa mère, et de son amour pour cette rivière. La saveur du crabe, mais aussi la douceur de vivre ici. Rien de figé, tout est vivant. C'est un incontournable.

Le coucher de soleil sur les eaux sombres. Je termine la journée sur une jetée en bois, bière Red Stripe à la main, en regardant le soleil descendre sur la rivière noire. Les grenouilles chantent. Un héron survole l’eau. Un pêcheur ramène ses filets avec deux crabes encore vivants. C’est la Jamaïque brute, sans filtre, ni folklore touristique. Et c’est peut-être celle qui m’a le plus marqué.

“L’eau est noire, mais tout est limpide.” Sauvage, calme et inoubliable. Black River, c’est : une aventure nature accessible, une leçon de cohabitation avec la faune, et une immersion dans la gastronomie locale, loin des clichés jerk & rhum punch. “Ici, ce ne sont pas les crocodiles qu’on apprivoise. C’est le temps.” À goûter absolument, crabe des marais, crevettes épicées (pepper shrimp), poisson à la vapeur. Certains vendent du “crab & bammy” à emporter directement dans des feuilles de bananier.

Black River et son bar, loin des regards. Il faut vouloir s’éloigner pour tomber dessus. Pas de panneau, pas de route droite, juste des virages, des mangroves, et le vent chaud qui pousse lentement le temps. La rivière coule comme une veine noire entre les palétuviers. Elle ne parle pas fort, elle écoute. Et là, posé sur une rive oubliée : un bar. Pas vraiment un bar, pas vraiment un restaurant.

Juste une grosse hutte au milieu de nul part, du bois brut, une glacière, un jamaïcain au regard calme et des bières froides et du ''ganja''. Ici, les conversations se font à mi-voix. Les rares étrangers arrivent en bateau, les habitués à pied, les silences à la nage. Une bière devient une bénédiction. Ce bar n’est pas fait pour être trouvé. Il est fait pour être mérité. Loin des regards tout y est permis...ou presque.

Black River, pêche en mer. Mon pied à terre était la maison de Taga quand je venais à Black River. Ce matin comme d'habitude, le coq entre dans la maison pour lever tout le monde. Cette fois il choisit là ou je dors pour faire son premier ''cocorico''...brutal comme réveil mais bon c'est la nature ! Voici Taga et quelque uns de ses enfants.

Taga est un père exceptionnel, sa conjointe décédé, il n'a jamais laissé ses enfants sous la garde de personne, sa mère et sa belle mère aide pour la cuisine. Taga va placer ses cages à la mer tout les matins, nourrit ses poules et chèvres, fait le guide sur la ''Black River'' quand c'est possible. Il troc ou vend poissons, crustacés, poulets pour les autres nécessités. Il m'a ouvert la porte de sa demeure en toute humilité et je le remercie pour toute l'attention qu'il m'a donné les nombreux week-ends passé à Black River.
On se traine jusqu'à la toilette...bon disons que la chiotte se compose de 3 parties. la moitié est occupée par le poulailler et l'autre moitié par la chiotte d'un côté et un petit muret de 3' pieds au centre qui nous sépare de la mangeoire des chèvres ce qui fait que lorsque tu est assis pour faire tes besoins, tu es face à face avec les chèvres qui bêlent...sûrement pour l'odeur que je dégage ! C'est tout de même bizarre de faire ses besoins devant un tas de chèvres qui te regardent.

À l’aube, la rivière dort encore. Le soleil n’a pas percé la brume, et les palétuviers semblent respirer. Mais au bout du quai, un homme m’attend, silhouette fine, sourire discret. On ne parle pas beaucoup. Le moteur tousse, puis accepte son sort. On quitte la rive, on laisse Black River derrière. La mer est là, large, puissante, vivante. Le changement est brutal. La douceur feutrée de la rivière fait place à la salinité brute du large. Mais le silence, lui, reste. C’est une langue partagée entre ceux qui pêchent, et ceux qui écoutent.
Les cages sont jetées. Rien de technique. Pas de GPS, pas de sondeur. Juste l’œil, l’habitude, les courants. Le savoir d’un homme qui lit la mer comme un livre ancien. on reviendra en fin de journée pour remonter notre souper.


































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