29. Fort Daulatabad, l'épreuve des chauves-souris
- Le voyageur de l'extrême !

- 17 févr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 sept.
Daulatabad (Marâthî « la ville fortunée » ), est une ville forte du XIVe siècle située dans le Maharashtra, en Inde, à environ 16 km au nord-ouest de Aurangâbâd. Le lieu est connu dès le VIe siècle apr. J.-C. sous le nom de Devagiri ou Deogiri, époque où elle était une ville importante du plateau du Deccan, située le long des routes caravanières. Ce n'est plus aujourd'hui qu'un village.

Le village en contrebas qui sommeille encore, nous prenons le chemin de la forteresse de Daulatabad. , Là-haut, la silhouette noire de Daulatabad semblait déjà guetter, comme un veilleur antique. Les locaux le surnomment le fort invincible. J’ai voulu en juger par moi-même. On n'aurais pas pû se passer d'une noix de coco fraîche avant notre arrivée.

On raconte qu’aucun conquérant n’est entré au Fort de Daulatabad sans traverser l’épreuve. Pas celle des remparts. Ni celle des murailles pentues, ni des douves sèches. Mais une épreuve vivante, obscure, ailée. La silhouette du fort dressée sur sa colline volcanique semblait invincible.

L’entrée principale est une œuvre colossale, arches brisées, grilles de fer, bois cloutés. Ce n’est pas un monument. C’est un labyrinthe d’intelligence et de patience. Une œuvre de dissuasion, de guerre psychologique, une forteresse conçue pour te désorienter, t’effacer, te transformer.

Des murs épais comme des silences. Un labyrinthe de ruses et de pièges. Mais ce n’est pas le feu, ni le fer, ni la pierre que l’on redoute ici. C’est la noirceur du tunnel intérieur, ce long parcours sans lumière aucune. Le guide, un vieil homme au regard fatigué, me l’a dit sans détour : « Si tu veux atteindre le sommet par la voie d'origine, il faut passer par Andheri. Le passage aveugle. »

Aujourd'hui, ce fort vieux de 800 ans représente un véritable défi pour les touristes qui osent l'escalader. La vue depuis le sommet du fort de Daulatabad se mérite, car il faut gravir près de 700 marches. Le fort apparaît sur votre gauche, à peu près à mi-chemin entre Aurangabad et les grottes d'Ellora. Comme dans bien des lieux en Inde les singes peuplent les temples et chateaux. Le fort s'étendait sur une superficie d'environ 95 hacres, englobant une colline pyramidale de 200 mètres de haut .

Il représentait une combinaison unique de génie militaire, d'urbanisme remarquable et de merveilles architecturales. Le formidable système de défense qui rendait Daulatabad pratiquement invincible était composé de: Une seule entrée/sortie et aucune porte parallèle, portes hautes et en zigzag, percées de pointes de fer, deux tranchées rocheuses profondes, trois couches de fortifications avec des murs massifs. Les murs ont une hauteur moyenne de 6 à 9 mètres et une épaisseur de 2 à 3 mètres, labyrinthes ingénieusement construits et position stratégique des tourelles à canons.

Outre les tranchées, les remparts et l'Andheri, les sites incontournables du fort sont le Chand Minar, le temple Bharat Mata, le Chini Mahal, le Rang Mahal, les Baolis (puits à gradins), le Kacheri (tribunal), l'Aam Khas (salle d'audience), le Hathi Haud (aquarium à éléphants), le hammam royal, le Baradari et une superbe collection de canons.

On y trouve également dix grottes rupestres inachevées datant de la période Yadava. Récemment, des fouilles archéologiques menées à l'intérieur du fort ont mis au jour le complexe urbain inférieur, composé de ruelles principales et secondaires bordées de structures de différentes dimensions.

Le dernier obstacle, l' Andheri, un passage souterrain creusé dans la roche. Un boyau noir, étroit, sinueux, creusé dans la roche, autrefois conçu pour piéger les envahisseurs. Sans lumière. Sans sortie visible. Et aujourd’hui, habité par des milliers de chauves-souris, accrochées au plafond comme des ombres vivantes. Dès les premiers pas dans l'Andheri la lumière s’éteint presque immédiatement. Les parois suintent. L’air est lourd. Une odeur de guano, d’humidité, de temps figé.

Puis, on entend… Le froissement des ailes, le murmure, puis le cri strident, perçant, d’un monde qui ne dort jamais. Elles se sont mises à bouger et puis des ailes frôlant ma tête, ma nuque. Le tunnel est devenu une tempête de ténèbres, et moi et les autres braves, des intrus dans leur cathédrale inversée à essayer de la traverser sans paniquer.

Une lampe aurait trahi ma présence, la tradition voulait qu’on avance à l’aveugle, comme les anciens. Bien que j'ai dû ''flasher'' pour les photos ! En sortant du tunnel, le soleil m’a aveuglé. Et derrière moi, un monde de ténèbres, de mémoire et d’ailes battantes, me regardait repartir. La légende dit que les chauves-souris, gardiennes silencieuses du passé, ne laissent passer que les cœurs courageux. Ouin !
Ce tunnel, m’a-t-on expliqué plus tard, fut conçu comme une ruse de guerre : pas de torche possible, le guano étant inflammable, l’aurait transformé en fournaise. Des virages serrés empêchant toute progression rapide des trappes secrètes, parfois dissimulées, autrefois mortelles, le piège parfait !

La montée finale jusqu’au bastion s’est faite en silence. Un long escalier sculpté, des portes massives, des murs comme des falaises. Depuis le sommet, la vue est à couper le souffle : le plateau du Deccan, jaune et rouge, s’étendait à perte de vue. Aucune armée ne pouvait approcher sans être vue une journée à l’avance.

Daulatabad n’est pas qu’un fort. C’est une métaphore sculptée du pouvoir, de la résistance, de la solitude. Chaque marche, chaque couloir, chaque chauve-souris te rappelle ceci : ce lieu n’a jamais été pris par la force, seulement par l’endurance et la ruse. On en redescend lentement, comme on quitte un rêve ou un cauchemar avec l’impression d’avoir laissé quelque chose en moi derrière une porte.



























































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